12/01/2023

La DeSci

ou comment le web 3 bouscule la science ?

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« La science comme la démocratie a besoin de conflits d'idées et de théories. »
Edgar Morin
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✍️ Khaoula

👀 Mes articles

👋 Cher Wagmi Gang,

Bienvenue dans ton rendez-vous décryptage hebdo.

En ce début 2023, on arrive à un tournant où la technologie blockchain n’est plus seulement utilisée pour investir/échanger des cryptomonnaies mais également dans de nombreux domaines. Celui de la science en fait partie ; on t'en parlait déjà ici.

La Science Décentralisée tu connais ? Plus communément appelée DeSci, il s’agit d’un mouvement qui vise à améliorer la science en utilisant les outils web 3.

Pourquoi une telle évolution ? Un rapport de 2016 stipule que les scientifiques passent jusqu’à la moitié de leur temps à rédiger des propositions de recherches et de subventions. Toutes les recherches ne sont pas soutenues par les comités, et les scientifiques ont du mal à accéder au financement adéquat (Source).

Quels problèmes la DeSci résout-elle ? Comment utilise-t-elle les outils du web 3 ? Quels avantages pour l’avenir de la science ?

Boucle ta ceinture, on décolle ✈️ !

#Quick disclaimer : pas d’incitation à l’investissement ici, que de l’info !

 ➡️ Tic/Tac : durée du décryptage 8 minutes

Science traditionnelle vs science décentralisée : quelles différences ?

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Reprenons depuis le début : la DeSci est la façon de mener des recherches scientifiques qui s’appuient sur des réseaux décentralisés plutôt que sur des structures hiérarchiques traditionnelles.

L’objectif ? Le partage de données sans passer par une organisation ou une autorité centrale.

Le résultat ? Rapidité et efficacité dans la communication entre chercheurs, et progrès scientifiques.

Pour mieux comprendre, on a répertorié 3 principales différences entre la science traditionnelle et la DeSci :

  1. Le financement

Dans le système traditionnel, la recherche est menée au sein d'une hiérarchie définie. Un scientifique doit soumettre ses travaux de recherches à un comité d’examen, avant de voir son projet financé (ou pas). En bref : les ressources vont d'une autorité centrale aux chercheurs individuels ou aux institutions de recherche.

Le + : la capacité des autorités centrales à coordonner des projets de recherche à grande échelle.

Le - : la lenteur et la bureaucratie. Aux États-Unis par exemple, les chercheurs passent plus de quatre heures par semaine pour ces tâches administratives, plutôt que de les exploiter pour faire de nouvelles découvertes (Source). La plupart des demandes ne mènent à aucun financement et sont synonymes de gaspillage de temps et… d’argent. De plus, selon le comité et ses intérêts personnels, les résultats sont différents. Les chercheurs ou institutions d’autres pays peuvent être plus facilement exclus.

🚀 La solution permise par le web 3 ?

On utilise des DAO pour avoir un système de financement traçable transparent et sécurisé (ici pour le rappel). On peut citer la plateforme Sciencefund qui développe des protocoles blockchain pour regrouper les dons scientifiques dans des DAO. La plateforme aide alors de nombreuses DAO comme Ants-Review, Blockchain for Science ou VitaDAO, à être visibles et financées.

  1. La propriété intellectuelle

Dans la science traditionnelle, les articles sont uniquement publiés dans les universités et les bibliothèques. Le plus souvent, la propriété intellectuelle des chercheurs n’est pas reconnue. En revanche, le web 3 est très performant dans la propriété des actifs numériques, tels que des articles scientifiques.

Comment ça marche ? La propriété intellectuelle est transformée en actif numérique échangeable et vérifiable grâce à la technologie derrière les NFT. Les données sont stockées dans le wallet de l’utilisateur ou de l'utilisatrice, et on peut les échanger facilement. De la même manière que les NFT permettent aux musiciens de percevoir des royalties (voir ici), les NFT de la DeSci permettent d’installer des mécanismes de récompenses pour rémunérer les chercheurs ou les DAO.

Pour info : un NFT qui détient une propriété intellectuelle s’appelle IP-NFT. Exemple : le projet de recherche The Longevity Molecule sur OpenSea est possédé par une DAO, dont les membres et chercheurs détiennent tous les droits.

  1. La publication des revues scientifiques

L’accès à l’information n’est pas universel dans la science traditionnelle. Alors qu’ils sont de bien public mondial (Source), de nombreuses connaissances scientifiques ne sont accessibles qu’après avoir pu accéder à la bibliothèque d’une université, et surtout, après avoir payé. Le comble ? Un scientifique doit lui-même payer pour voir sa propre recherche publiée. L’éditeur leader de la publication scientifique, Nature, facture jusqu’à 11 000$ (Source).

Pouvoir rendre tous les types de données accessibles ? C’est l’objectif du mouvement Open Science, créé en 2015, qui prend récemment bien plus d’ampleur. En 2021, cette même plateforme vend le premier NFT autour de la science pour 13 ETH. L’initiative vise à créer un écosystème dans lequel les scientifiques peuvent partager leurs travaux.

L’avantage ? Légitimer leurs recherches, et permettre à quiconque (pro ou pas) de contribuer et d’acquérir des connaissances scientifiques.

Web 3 et science : quels avantages ?

Tu l'as compris, la science version web 3 est accessible, transparente, décentralisée. Le réseau scientifique devient plus ouvert et inclusif pour mener à bien des recherches et les partager.

Quel est l'intérêt de la science à utiliser la blockchain ?

1- Une collaboration facilitée

Dans un système décentralisé, les chercheurs peuvent partager des données et des idées plus facilement et plus rapidement. Les investisseurs parient sur la recherche en phase initiale et les scientifiques peuvent recevoir un soutien pour un travail qui n’est pas encore un produit ou un brevet.

➡️ En juin 2022, l’Université de Californie à Berkeley a vendu aux enchères un NFT, basé sur des documents relatifs aux travaux du chercheur James Allison (Lauréat du prix Nobel) sur le cancer. Plus de 50 000 $ (soit 22 ETH), dont 85 % iront pour l’éducation et au pôle recherche de l’Université (Source). Les gagnants de l’enchère ? Un groupe de 31 anciens élèves, qui ont mis leurs fonds en commun dans une DAO.

Le but ? « Nous voulions que les gens puisent dans l'émerveillement d'une science remarquable, même s'ils ne faisaient pas d'offre sur le NFT », a déclaré Rich Lyons, directeur de l'innovation et de l'entrepreneuriat à l’Université de Berkeley. Ce partage permet une plus grande collaboration entre différents chercheurs puisque le NFT est désormais accessible au grand public.

2- Une plus large accessibilité au financement

La DeSci permet la prise d’initiatives. Pour les projets qui n’ont pas encore de marché, les recherches marginales ou celles qui attendent d’être acceptées par les universités, l’alternative web 3 est une solution efficace.

VitaDAO, par exemple, est une DAO ouverte à tous qui lutte contre le vieillissement. La communauté qui investit dans ce projet (particuliers, sociétés, ou professionnels) détient les droits de propriété intellectuelle, grâce à un wallet d’actifs.

Avec une communauté de 7000 membres, VitaDAO a déjà financé plus de 15 projets à l’heure actuelle, ce qui représente 3,3 millions de $. Tous les gains financiers sont ensuite réinjectés dans la plateforme pour financer les futures générations de recherche – soit 2,2 millions de $ (Source).

➡️ Juin 2022, VitaDAO finance le projet The Longevity Molecule, à hauteur de 250 000 $ (Source). Sans la DAO, ce projet n’aurait peut-être jamais abouti. La communauté est désormais libre d’investir dans les travaux de recherches auxquels ils croient le plus.

3- Une plus large accessibilité à la recherche

Avec une plus large diffusion des résultats des recherches, l’adoption de nouvelles pratiques basées sur ces découvertes sera accélérée. L’avantage ? Des progrès scientifiques bien plus rapides.

La DeSci évite aux chercheurs de passer par une organisation ou une autorité centrale. Avec les NFT, le web 3 permet un partage (sécurisé) de données et de ressources financières, sans avoir besoin d'intermédiaire. SnarkPack est un article scientifique sous forme de NFT. Il est accessible, comme un PDF téléchargeable sur ton wallet.

➡️ Juillet 2022, le projet Molecule reçoit sa première levée de fonds avec un investissement de 12.7 millions de $ (Source). La plateforme diffuse les projets financés avec succès et ceux en cours, ce qui ouvre et démocratise le financement. Le but ? Accélérer le processus de recherches.

En permettant à un plus grand nombre de personnes de participer à la recherche et en facilitant la communication entre scientifiques, la DeSci conduit à des découvertes plus diverses.

Le futur de la DeSci : quels enjeux ?

Comme tu viens de le lire, la DeSci présente des avantages dans l’accessibilité de la science au grand public, dans la collecte de fonds, et peut œuvrer au progrès scientifique.

Néanmoins, on observe des défis auxquels le corps scientifique doit se préparer.

On t’en liste quelques-uns :

 💡 Défi 1 : l'enjeu de la confiance

La société de génomique personnelle de San Francisco, Nebula Genomics, utilise la technologie blockchain pour permettre à 15 000 personnes d’accorder un accès temporaire de leurs données à des sociétés pharmaceutiques (Source). Les NFT fournissent un système qui permet à ces personnes de gagner de l’argent grâce à ces échanges. Le problème ? « La vente de génomes personnels soulève des questions éthiques, comme la question de savoir si un individu est vraiment propriétaire de son génome », souligne le bioéthicien de l’Université de Montréal Vardit Ravitsky.

Un article de l’éditeur scientifique Nature dénonce cette tendance à la vente aux enchères de NFT. Elle déshumanise, à long terme, la diffusion de nos données personnelles (Source). L’article évoque aussi l’énergie environnementale déversée dans les cryptomonnaies, comparant les IP-NFT aux Bitcoins.

➡️ Certains outils visent à rétablir une certaine confiance : Flashpub est une communauté décentralisée qui permet de créer de nouveaux modèles de financements pour atténuer le risque de domination d’une plateforme. Tout en combattant contre la censure et en restaurant la réputation des scientifiques.

 💡 Défi 2 : la protection de l'intégrité

On a deux types de recherches scientifiques : commerciale (à but économique) et fondamentale. Certaines communautés DeSci peuvent voter pour financer l’une et/ou l’autre. Le défi vise àprotéger l’intérêt du grand public ainsi que l’intégrité de la science. Comment ? En utilisant des DAO qui tirent parti de la technologie blockchain pour suivre l’utilisation de toutes les données générées.

➡️ Exemple : Oceanprotocol permet de recevoir des $$ pour la production de travaux de recherches fondamentales où les actifs numériques sont  accessibles pour la recherche commerciale.

A noter : Les collections NFT peuvent agir comme une réputation numérique qui serait vérifiable par les investisseurs. Et les scientifiques qui disposent d'un portefeuille partagé, comme un laboratoire décentralisé, peuvent ainsi se forger une réputation.

  💡 Défi 3 : la problématique de ressources

La DeSci est relativement nouvelle dans le secteur. Il est clair que les gouvernements ne vont pas tout de suite financer ce type de modèle.

« Le gouvernement est essentiel dans cet écosystème, dans un monde où la concurrence pour le financement global de la recherche est plus forte que jamais » indique David Sinclair, biologiste australien. Il ajoute : « La situation est particulièrement difficile pour les chercheurs qui étudient le vieillissement. Le financement de la compréhension de la “biologie du vieillissement” obtient moins de 1 % du budget total de la recherche médicale aux États-Unis. ».

En conclusion, la DeSci a comme objectifs de faciliter la collaboration, l’accessibilité et les progrès scientifiques. 

Et demain ?

La DeSci a le potentiel de révolutionner la manière dont la recherche scientifique est menée et diffusée. Bien qu’elle n'en soit encore qu'aux premiers stades de son développement, les communautés de chercheurs et de particuliers sont actifs. Entre cryptos, NFT, et DAO, le web 3 va certainement contribuer à faire émerger de nouvelles idées qui n’auraient pas eu les ressources nécessaires à travers les canaux bureaucratiques classiques.

Et demain, très cher Wagmi Gang, je t’entends. Plusieurs questions foisonnent : la DeSci pourrait-elle changer la donne dans le financement de traitements contre certaines maladies ? À quel point ce mouvement doit-il être décentralisé ? Doit-on soutenir les tendances à la vente de nos données au nom de la science ? Enfin, quid des réglementations que doivent adopter les gouvernements ?

Ce décryptage touche malheureusement à sa fin. Mais on te donne rendez-vous la semaine prochaine, pour encore plus d’informations sur le web 3 !

En attendant, partage tes feedbacks et suis-nous sur tous nos réseaux !

Belle journée à toutes et à tous,

Khaoula 🧡

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