Fabien Aufrechter
VP web 3.0 Vivendi
Hello le Wagmi Gang, 🫶
Le Doer du jour est singulier : Fabien Aufrechter, Maire de Verneuil-sur-Seine et VP chez Vivendi où il pilote la stratégie web 3.0.
Dans cet échange inédit, Fabien partage son parcours, ses réflexions, et sa vision sur des questionnements de fond liés aux techs émergentes : quels défis posent l'adoption de l'IA et de la blockchain ? Quels sont les enjeux en termes de formation et d'éducation pour préparer les collaborateurs des entreprises, et plus globalement les citoyennes et citoyens à l'ère de l'IA et de la blockchain ? Ou encore quelle coopération entre le secteur public et le secteur privé pour le développement de l'IA et de la blockchain ?
On évoquera les enjeux de régulations, de formations, de souveraineté numérique, de géopolitique également.
Bonne lecture, régale-toi et ouvre tes chakras pour te former et intégrer l’ensemble de ces transformations numériques qui bouleversent profondément notre société, et plus globalement, notre monde ! 💫
Bonjour Fabien, peux-tu nous raconter ton parcours ?
Après des études d’histoire et de communication, je suis rentré au sein d’Havas comme consultant en relations publiques. J’y ai fait mes débuts avant d’y lancer en 2017 une offre globale d’accompagnement de nos clients sur les sujets liés aux technologies blockchain. C’est ce qui m’a amené à accompagner de manière intégrée (stratégie/développement technologique/communication globale) nos clients traditionnels (corporate, gouvernements…) ainsi que des startups et des acteurs de l’écosystème (laboratoires de recherche, protocoles, wallets…).
Dans la continuité de ce travail, l’année dernière, j’ai rejoint Vivendi (ie. la maison-mère d’Havas) pour en piloter la stratégie web 3.0 tout en commençant un MBA.
Et entre-temps, en 2020, j’ai été élu Maire de ma commune de Verneuil-sur-Seine.
Quels sont les défis que posent l'adoption de l'IA et de la blockchain ?
Le principal défi, c’est celui de l’éducation et de la formation. Car ces sujets sont techniques et peinent à être vraiment appréhendés ; aussi bien par les dirigeants politiques que par les dirigeants d’entreprises. Chez Vivendi, nous prenons cet enjeu de formation très au sérieux : pour nous c’est une priorité.
Après sur l’aspect réglementaire, je pense que l’enjeu le plus important c’est celui de la régulation des NFTs. A l’heure où l’IA générative se présente comme un aboutissement du web 2.0 (la possibilité de créer du contenu et de le partager atteint son paroxysme), la notion de propriété intellectuelle et de la signature des contenus propriétaires par leurs créateurs est devenue clef. Or, cette signature des contenus c’est ce que permet le web 3.0 (ie. l’internet de la valeur) : les NFTs permettent d’authentifier les contenus et d’identifier leurs propriétaires (et donc leurs responsables).
Mais pour que le NFTs passent d’une signature technique à une norme technique et juridique, cela implique de les encadrer par la loi.
Comment vois-tu l'évolution de l'intelligence artificielle dans le secteur des médias et du divertissement ?
L’IA est souvent appréhendée d’abord comme un « cost killer » par les entreprises. Mais pour le monde des médias et du divertissement, c’est surtout une chance inouïe. Une opportunité de se remettre en question sur ce qui a ou pas de la valeur dans nos métiers. Et surtout, une occasion de créer de nouveaux formats, de penser la création de manière différente et toujours renouvelée.
Comment Vivendi appréhende les enjeux liés à l’IA ? A la blockchain ?
Chez Vivendi, nous ne cherchons absolument pas à faire de la tech pour la tech : nous cherchons les meilleures solutions (technologiques ou non) pour développer notre business et accompagner nos clients. Or l’IA générative peut être une opportunité inédite pour notre Groupe puisque la technologie vient s’intégrer dans notre cœur de métier qui reste la création de contenus (publicitaires, médias, artistiques, cinématographiques, etc). De même, le web 3.0 constitue un futur moteur de croissance par l’alliage d’une technologie et d’une nouvelle manière de penser l’articulation des communautés.
Récemment, nous avons échangé avec un Docteur en IA qui nous a expliqué que l'IA n'est pas là pour remplacer des métiers mais plutôt pour fournir des outils aux collaborateurs afin d'améliorer leur productivité. Quelle est ta vision sur ce sujet ? Et comment vois-tu l'impact de l'IA dans les différents métiers chez Vivendi ?
Je suis d’accord : l’IA va transformer 100 % des métiers de la même manière que le numérique l’a fait en son temps. Ce qui va entraîner énormément de besoins en formation. Vivendi y fera face et pour nous, c’est une bonne nouvelle : comme le numérique hier, l’IA nous encouragera à repousser les limites de la créativité.
Quels sont les enjeux en termes de formation et d'éducation pour préparer les collaborateurs de Vivendi, et plus globalement les citoyennes et citoyens à l'ère de l'IA et de la blockchain ?
Le sujet de la formation est essentiel lorsqu’il s’agit des nouvelles technologies : pas seulement pour les développeurs mais pour l’ensemble des employés et des dirigeants. Pour ce qui est de l’IA, le sujet cœur restant la data, le chemin sera plus facile : il existe en effet des centaines de cursus rien qu’en France sur le sujet.
Pour le web 3.0, la complexité réside dans le faible nombre de cursus (et encore plus de cursus de qualité). Pourtant, le besoin et l’intérêt sont au rendez-vous : lorsque des acteurs privés mettent en place des structures de e-learning spécialisées, ce ne sont rien qu’en France des centaines de milliers de personnes qui les suivent sur la durée.
Qu'est-ce que tu dirais à quelqu'un qui a peur de l'IA et de son impact sur la société ?
Je n'essaierai pas de le rassurer parce qu’il n’y a que les paranoïaques qui survivent. Et parce que les risques sont réels. Réguler l’IA n’est vraiment qu’un versant du sujet : il faut en complément de la « soft law » un vrai cadre éthique. Et c’est quelque chose de bien plus complexe qu’il n’y paraît. Il n’est donc pas encore temps de se rassurer…
Quel est ton point de vue de l'impact de l'IA et de la blockchain quant à la souveraineté numérique ?
Du côté des États, la clef de la souveraineté numérique réside dans la régulation et la territorialité des infrastructures technologiques. Pour les entreprises, la souveraineté numérique est un enjeu de compétitivité qui doit être appréhendé à travers la maîtrise la plus totale de leurs activités et produits.
Mais pour revenir aux technologies : l’IA repousse les limites du web 2.0 puisque la puissance de la technologie est si extraordinaire qu’elle constitue une menace immense pour la souveraineté des contenus. En miroir, le web 3.0 constitue au contraire une solution pour mieux protéger les contenus et leur redonner ainsi leur valeur.
Donc si je simplifie : le web 3.0 est l’outil de la reprise en main de la souveraineté là où le web 2.0 en est sa pierre d’achoppement.
Comment envisages-tu la coopération entre le secteur public et le secteur privé pour le développement de l'IA et de la blockchain ?
La clef du développement des nouvelles technologies, c’est la régulation. Aujourd’hui, force est de constater que c’est ce qui rend une place plus ou moins attractive. En la matière, la France dispose d’un temps d’avance : nous devons maintenant le garder !
Au-delà, il me paraît nécessaire d’encourager les collectivités publiques à se saisir des nouvelles technologies lorsque ces dernières permettent de résoudre un problème. Ou lorsqu’elles offrent des solutions efficaces. Le secteur privé n’a pas le monopole de l’innovation.
Un regard sur la géopolitique du web 3.0 ?
Personne ne s’y intéresse vraiment mais l’enjeu géopolitique est clef quand il s’agit de web 3.0. D’abord parce que l’essor des stablecoin poussées par les États démontrent que ces derniers ont compris que le web 3.0 n’est pas qu’un outil d’anarchiste, et peut au contraire être utilisé pour mieux contrôler la monnaie (avec des risques sur les libertés des citoyens à la clef).
Ensuite, parce que le web 3.0 met en exergue un conflit entre le G20 et le G7 : le G7 souhaite une dollarisation de la monnaie et donc un essor des stablecoin…là où le G20 cherche l’indépendance et donc l’essor des cryptoactifs décentralisés ou l’interdiction pure du web 3.0 (ce qui est un mirage).
Enfin, parce que le web 3.0 interroge la souveraineté des États comme des entreprises à travers les wallets : avoir la main sur son wallet sera demain aussi important qu’avoir aujourd’hui le contrôle de ses données.
Tu es également Maire : un regard particulier sur le numérique en tant qu’élu local ?
En tant que Maire, j’aurais moins un avis sur les nouvelles technologies qu’un regard très sévère sur les réseaux sociaux. Les plateformes pourraient être une opportunité immense d’information et d’éducation. Mais l’absence de contrôle des informations sur celles-ci est en train littéralement de tuer la démocratie.
Un exemple : au début de mon mandat, il y avait une rumeur sur un groupe Facebook selon laquelle l’eau de la ville avait été empoisonnée : c’était évidemment faux…mais il était impossible à la mairie de contrecarrer le mensonge car la parole institutionnelle avait autant de valeur que celles des complotistes. De manière globale, je pense que toutes les prises de parole n’ont pas la même valeur et qu’il faut urgemment repenser le modèle de modération et d’intervention des autorités publiques dans ce Far-West digital.
On passe aux questions POP : quel est ton bouquin de chevet ?
En ce moment, je relis les contes des 1001 Nuits. Mais sinon je dirai l’œuvre complète d’Arthur Rimbaud, le Petit Prince de Saint-Exupéry ou la biographie de Robert Emmet par Patrick Geoghegan.
Ton ou tes Film(s) culte(s) ?
Le choix est dur entre Spielberg, Miyazaki, Stanley Kubrick... Mais puisque nous parlions de science et d’éthique, je répondrai « Bienvenue à Gattaca ».
Ton ou tes série(s) crush ?
Forcément d’abord celles de Canal+ avec un crush particulier pour le Bureau des légendes et Baron noir. En langue étrangère j’aime beaucoup « Cuantame como paso ». Et sinon GoT, évidemment.