Faustine Fleuret
Présidente et Directrice Générale, Adan
Nous avons fait la connaissance de Faustine, Présidente et Directrice Générale de l’ADAN, association pour le développement des actifs numériques.
Après un parcours au cœur de la finance traditionnelle, Faustine s’oriente dès 2017 dans l’univers des crypto actifs dont les enjeux et perspectives la passionnent.
C’est donc tout naturellement que Faustine co-fonde l’ADAN en 2020 pour répondre aux besoins de réglementations de tout un écosystème.
Bonne lecture de cette nouvelle Wagmi Doer engagée !
Bonjour Faustine, pourrais-tu s’il te plaît présenter ?
Je suis originaire de Lyon. J’ai débuté des études en gestion avant de terminer par un master en finance à la Sorbonne.
J’ai démarré dans la finance traditionnelle au sein de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) avant de rejoindre l’AMAFI (Association Française des Marchés Financiers).
J’ai toujours été passionnée par les sujets relatifs à la réglementation financière.
Dès 2017 – j’étais alors à l’AMAFI - les débats réglementaires autour des ICO et PSAN se sont accélérés. Les entreprises cryptos étaient alors très peu connues ; dans leurs réflexions, les décideurs se sont donc tournés vers la place financière de Paris.
C'est dans ce contexte qu'au sein de l’AMAFI, j’ai commencé à travailler sur les sujets liés aux cryptomonnaies et cela m’a passionné.
En 2018, j’ai rejoint ConsenSys en tant que consultante (par exemple pour un projet de stablecoin, la Commission Européenne ainsi que le Ministère de l'Economie et des Finances) et responsable des affaires réglementaires.
J’ai quitté ConsenSys début 2020 pour l’ADAN co-fondée avec Simon Polrot, l’un de mes anciens de mes collègues de ConsenSys, en lead sur sa création.
Qu’est ce qui t’a poussé à t’intéresser au Web 3 ? Et pourquoi ?
Le fait d’avoir travaillé dans la finance traditionnelle, m’a ouvert les portes de ces nouvelles logiques économiques et monétaires. Les enjeux financiers et réglementaires autour des cryptomonnaies m’ont passionnée.
Ce qui m’a fait « shifter » avec l’arrivée et l’essor des cryptomonnaies, c’est le changement de paradigme transversal qui en résultait ainsi que les nombreux questionnements de fond suscité sur la finance dite ‘traditionnelle’.
Et bien entendu, les questions réglementaires qui en découlent : comment encadrer les nouveaux usages de cette innovation technologique ? Cela demande un effort d’imagination très fort et de savoir trouver de nouveaux repères face à ces profonds bouleversements. C’est vraiment très stimulant !
J’ai rejoint le monde de la cryptosphère car finalement, je me trouve plus légitime sur ce sujet avec davantage de valeur ajoutée que dans le domaine de la finance traditionnelle. T
Tu as beau avoir 23 ans, tout le monde fait l'expérience nouvelle de ces technologies émergentes et apprend sur le tas, et je pense même que c'est un avantage de ne pas être "pollué" par les repères et schémas de la finance classique que d'autres trouveraient indéboulonnables.
Nous ne sommes qu’aux prémices de ce bouleversement de paradigme économique et sociétal suscité par les cryptomonnaies. Cela remet en perspective tout ce qui est en place et pourrait fonctionner différemment alors qu'il y a quinze personne n'aurait pensé que la finance traditionnelle puisse être totalement remise en question.
Et le monde financier n'est que le premier (historiquement, et par lequel je suis venue à m'intéresser à la crypto) mais pas le seul à se voir bouleverser : le passage vers le web 3 s'incarnera dans de nombreux segments économiques et de notre quotidien.
Peux-tu nous raconter ce qu’est l’ADAN et sa mission ?
Initialement, j’ai rejoint l’ADAN en tant que Directrice de la stratégie et des relations institutionnelles. Depuis mai 2021, j’en suis la Présidente et Directrice Générale.
L’ADAN est une association professionnelle qui embauche à ce jour 5 personnes (mais recrute), et compte environ 200 membres.
Notre mission est classique pour une association professionnelle : fédérer les entreprises (pour l'Adan, celles qui œuvrent dans le monde des cryptos actifs), les représenter et porter leur voix pour permettre l’émergence d'une industrie forte et compétitive (pour l'Adan, celle très large et diversifiée du web3 des crypto actifs).
La création de l’ADAN était un impératif dans la mesure où, qui plus est, en France, les réflexions sur la règlementation des acteurs crypto ont commencé très tôt au regard de la jeunesse de l'innovation (dès 2017) et aucun représentant ou porte-parole du secteur français de l’univers crypto n’existait jusqu’alors.
L’ADAN s’est créée puis s’est développée dans un contexte où ces réflexions s'étendaient au niveau européen et international. L'inflation réglementaire et la persistance des obstacles qui se dressent sur la route vers le web 3 attestent chaque jour de la nécessité de notre existence et notre action.
Concrètement, comment l’ADAN développe l’industrie des actifs numériques ?
Pour développer l’industrie des actifs numériques et ériger la France et l’Europe en territoires majeurs d’innovation, nous activons plusieurs leviers.
D’une part, participer à développer un cadre réglementaire favorable et rassurant à l’innovation pour aider à l'émergence de nos champions et l’adoption massive des cryptomonnaies. Pour cela, nous sommes un point de contact direct et connu des acteurs publics.
D’autre part, lever les freins (hors réglementation) qui existent et contraignent le développement de nos entreprises via notamment le dialogue avec les décideurs publics, les investisseurs et les entreprises établies telle que celles de la finance traditionnelle bien sûr.
Enfin, former, éduquer, sensibiliser. A la fois sur le sujet des cryptomonnaies et également, sur la mise en valeur des entreprises et cas d’usages concrets.
À cet effet, nous organisons un évènement annuel en juillet à destinations des institutions (le Crypto & Finance Forum), des formations des délégations de membres allant à la rencontre des institutionnels, des interventions auprès des acteurs par exemple bancaires dans une optique de pédagogie et de simplification du sujet, et préparons actuellement une certification professionnelle en partenariat avec un groupe d'école de commerce.
La pédagogie est clé pour renforcer l’adoption, et lever les barrières au développement du secteur.
Interagissez-vous avec d’autres acteurs Européens ?
Nous avons démarré comme une association française avec des membres fondateurs français.
Nous nourrissons désormais l'ambition de nous développer au niveau européen en embarquant des acteurs non franco-français mais qui s'intéressent à la France comme terrain de jeu, et au travail et à l'influence de l'Adan sur la réglementation européenne.
Ces débats sont au cœur de notre mission, auxquels nous consacrons depuis toujours énormément de ressources et de temps.
L’ADAN fournit un travail important sur la réglementation européenne, c’est même le cœur de notre mission.
Il faut absolument une vision, et une portée européenne.
Que penses-tu de la place qu’occupe l’Europe sur les crypto-actifs versus le reste du monde (Etats-Unis, Russie et Chine notamment) ?
Il y a du bon et moins bon.
Le moins bon : actuellement les grandes plateformes technologiques ne sont pas des acteurs européens. On a clairement pris du retard dans notre écosystème avec, en Europe, un encadrement préventif alors qu’aux Etats-Unis, on réglemente en réaction à l’innovation.
En réglementant de façon plus précoce, tu ralentis le développement des acteurs et donc des innovations.
Si les acteurs sont encadrés, alors il faudrait pouvoir les promouvoir : or, on ne le fait pas non plus. C’est vraiment dommage car l'industrie français et européenne possède de nombreux atouts. Prenez le cas du krach FTX, ce n'est pas un acteur de chez nous.
Le mieux et paradoxalement : nos réglementations ! Les travaux réglementaires européens ont commencé en 2019, et ne l’oublions pas, ont été poussés par la France notamment pour l'obtention des les accords politiques sur Mica et TFR en juin 2022 pour une mise en place en 2024-2025 selon les process normaux législatifs européens.
En Europe, comparée aux grandes régions économiques du monde, nous sommes les seuls à avoir ce cadre législatif rassurant pour les utilisateurs et les actuels et futurs des partenaires de nos entreprises.
Côté législatif, on est donc clairement en avance. Mais les Etats-Unis vont bientôt nous rattraper. L'enjeu est donc triple :
- Ne pas oublier la compétitivité de nos entreprises lorsque l’on met en place des réglementations. Dans cette course pour trouver le bon équilibre, l'Union Européenne pêche souvent par excès de prudence et donc de rigidité, et a contrario par manque de promotion et communication positive sur ses entreprises pourtant plus encadrées et sûres que les autres.
- Ne pas oublier qu'une réglementation s'accompagne nécessairement d'une supervision, de contrôles, et de sanctions.
- En tant que précurseur, militer pour une harmonisation réglementaire afin que les autres grandes régions du monde s'alignent sur nos ambitions en matière de protection de l'utilisateur, lutte contre la criminalité financière et les abus de marché, et la stabilité financière. Et ainsi éviter le ‘dumping’ réglementaire qui sera délétère à l'industrie européenne.
La réglementation va avec la supervision, la promotion des entreprises et le fait d’avoir une communication positive en matière de souveraineté numérique et d’harmonisation des régulations. La France et l’Europe doivent s’unir en ce sens.
In fine, c'est une question de souveraineté numérique pour la France et l'Europe.
A échelle de 5 ans, comment vois-tu la place des actifs numériques dans la société ?
On assiste déjà à une certaine adoption de la cryptomonnaie : 8% de Français en possèdent (chiffres Adan 2022), et 10% des ménages de 6 pays européens sondés par la Banque Centrale Européenne.
Il y a encore un énorme travail à faire de la part de l’écosystème pour favoriser l’adoption de masse.
Il faut expliquer tous les pans du quotidien et dans lesquels les cryptos ruissellent progressivement : finance, commerce, réseaux sociaux (…).
Il faut également améliorer la compréhension des opportunités engendrées par l’adoption des cryptomonnaies : le contrôle de ses données personnelles, le fait de ne plus passer par des acteurs tiers (…).
Aujourd’hui, on entend beaucoup du monde de la crypto qu’il ne tient pas ses promesses. Mais l’industrie est encore toute jeune et se développe progressivement et moins vite qu'elle le voudrait - cf. les nombreux freins déjà évoqués.
Enfin, il faut être patient. L’adoption ne va pas exploser l’année prochaine mais cela sera progressif dans un cadre réglementaire en construction.
Que dis-tu des critiques à l’encontre du Web 3 ?
Le problème de la crypto et du web 3, depuis toujours, est qu'il est présenté uniquement sous l'angle des risques, presque jamais celui des opportunités.
Le sujet est couvert de façon lacunaire notamment au sein des medias traditionnels avec des idées préconçues et négatives : spéculation, catastrophe écologique, terrorisme (…).
Je comprends qu’on n’ait pas tous envie de s’intéresser au sujet quand on présente les choses ainsi : comment voulez-vous que la curiosité du grand public ne soit pas mise à mal ?
Nous devons apaiser et dédiaboliser les débats autour des cryptomonnaies, pour favoriser une meilleure démocratisation et adoption.
Notre objectif chez Wagmi Trends c’est de démocratiser le Web 3 et de décrypter cette révolution numérique : penses-tu que cela soit possible auprès de tous ?
Les gens l’adopteront mais de façon différente, depuis les “early adopters” au grand public. Cette innovation pénètrera, progressivement, dans la vie des gens sans qu'ils s’en rendent vraiment compte.
L’adoption doit se faire de façon progressive.
Passons aux questions POP : quel est ton bouquin de chevet ?
Un livre de Françoise Sagan, Dominique Lapierre, Ken Follett, Francis Scott Fitzgerald ou Yasmina Khadra : cela dépend des périodes.
Quel est ton ou tes Film(s) culte(s) ?
C'est une saga très connue, mais c'est inavouable 😉 En général, les gens sont très étonnés, je vous laisse avec cet indice !
Ta playlist ?
Elle est très éclectique et changeante, mais vous trouverez forcément du David Bowie.