Maël Maisonneuve-Le Brec
Fondatrice du cabinet de Coaching Maël M- Executive
« L’usage de la tech doit être au service de la stratégie et de la vision des organisations et par l’inverse. Quelle est notre vision ? Quelle est notre destination vers l'A-venir? Quel monde voulons-nous voir dans 10 ans ? C'est une fois que l'on aura la destination, que le chemin pourra se construire, pas l'inverse. Alors commençons par remettre les choses à l’endroit. »
🤘Une Wagmi Doeuse comme on aime : un parcours riche, engagé, qui nous parle de trajectoires, de vision, d’humain.
Maël vient du bout du monde, de contrées fascinantes, sur fond de nature brute, vivante, libre. Maël est bien bretonne. Cette amazone a un parcours aussi riche que ses mots.
Coach désormais, elle est passionnée par l’Humain et s’attèle à le replacer au cœur d’une société happée par l’instantanéité, manipulée, parfois, par des sciences cognitives qui, progressivement, peuvent réduire notre capacité de libre arbitre.
On évoquera également l’intelligence artificielle : l’humain est-il devenu un outil au service de l’IA ou est-ce l’inverse ? On questionne.
Cet échange pose les bases, suscite la réflexion. C’est net, bouillonnant, passionnant.
Ancrez-vous, et hissez haut !
Bonne lecture 🤩
Bonjour Maël, peux-tu nous raconter ton parcours ?
C’est un chemin parcouru d'embûches et de résilience.
Chemin de réconciliation vers la « self made women », venue du bout du monde, de Brest, du Finistère.
Cela pourrait paraître anodin de venir de Brest mais c’est une ville coupée du monde.
J’ai grandi dans un mélange de cultures. Entre mes parents, militants de gauche, mon cursus pédagogique, l‘école Freinet - dans la public, je tiens à préciser - où j’ai découvert l’apprentissage par une pédagogie collaborative et collective dès le plus jeune âge avec une ouverture sur les autres, sur le monde, la société dans laquelle on vit, et le sens aussi que l’on y met.
Au cœur de cette culture, de cette éducation-là, mes parents se révoltaient contre leur culture bourgeoise d’origine. Mon grand-paternel avait une entreprise, ma grand-mère maternelle, cantatrice. J’ai d’ailleurs découvert les classes horaires aménagées musique avec le conservatoire en toile de fond.
Le violon était mon instrument imposé, mais j'étais davantage douée en chant. J’y ai découvert des œuvres et des expériences uniques de concerts, comme Carmina Burana.
J'avais un pied entre chaque monde. D'abord ingénieur agronome, mon père était avant tout investi en politique. Avec lui, je découvrais la bataille du pouvoir, de l’ego, de la violence politique. Ma mère était institutrice spécialisée en IME (institut médico éducatif), et très jeune je voyais ces mondes (entreprise, politique, service public, culture) qui ne communiquaient pas.
Alors je me cherchais entre mes aspirations : sociales, culturelles, artistiques, (l'entrepreneuriat ne me traversait pas l'esprit).
L’adolescence a été très douloureuse ; c'est pourquoi j’attendais mes 18 ans avec impatience pour m’émanciper.
Ce travail de réconciliation, de pacification entre les mondes qui ne se comprennent pas et ne s’écoutent pas reliée à ma passion pour créer des ponts entre l’humain et les systèmes, j’en ai fait mon métier.
C'est d'abord une quête de recherche d’utilité sociale dans cette société, qui m'a révélée.
Bénévole à 18 ans dans une association de SDF et ai notamment été marquée par Michel : ancien cadre dirigeant qui suite à des problèmes de santé ponctués d’un divorce, et d'une faillite s’est retrouvé à la rue, et alcoolique.
Le levier d’émancipation sociale je l'ai trouvé dans le travail, alors que je finançais mes études notamment via un job de factrice à la Poste de Brest, et c'est là que j'ai découvert le métier d'assistante sociale du travail.
4 ans pour obtenir mon DEUG de Droit renforçait ma croyance que je n'étais décidément pas intelligente, sans futur et je me demandais vraiment comment j’allais m’en sortir.
La confiance en moi, je l'ai développée grâce au théâtre et à un groupe de noisy- punk-rock de filles à Brest, en parallèle de ma culture de musique classique et celtique.
Mais je me demandais ce que je faisais ici, à Brest. Alors que mon projet de devenir assistante sociale du travail se confirmait, j’ai passé les concours à Paris, et ai été prise après avoir au final été classée parmi les meilleures de ma promo. Ils pensaient même que je n’avais pas écrit mon mémoire de fin d’étude sur le sujet de l'impact de l'apparition du numérique dans l'identité professionnelle des ingénieurs du son à Radio France. C'était apparemment de "trop haut niveau" par rapport au métier.
Ensuite, j’ai tenté Total qui pour le coup recherchait quelqu’un avec dix ans d’expérience. "Comment cela ? Devenir assistante sociale du travail en début de carrière mais pour qui te prends-tu ?" me disait-on. Finalement, ils m’ont créé un poste. Le monde de l’entreprise s'ouvre alors à moi, et pour la première fois de ma vie je découvre que le monde n’est ni noir ni blanc, ni composé uniquement de méchants ou de gentils, tout est plutôt gris et systémique. J’y découvre aussi la gestion de crise dans l’organisation. Total finance mes études dont la Médiation avec le grand Jacques Salzer, et mon Master à Dauphine 'Management, Travail, Développement Social" avec Norbert Alter et des grands noms du management comme Jean-François Chanlat.
A mon grand étonnement, je finis major de ma promotion et je remporte le 4e prix Préventique en 2010 en outsider sur leur premier sujet psycho-social 'les secrétaires/assistantes : crise d'identité et quête de reconnaissance."
Voyant ma réussite avec intérêt, Total m’a proposé de devenir manager à mon tour, même si je ne réponds pas du tout aux profils traditionnels habituels.
L’université de Total m'ouvre ses portes avec sa culture très innovante du leadership, pour devenir chef de projet communication et responsable des contenus de gestion de conférence géopolitique et stratégique. Un succès incroyable sur le thème de "l'énergie et la mobilité" que je n'aurai pas le temps de savourer professionnellement car la vie m'offre un nouveau cadeau : la mise au monde de mon deuxième enfant et ne peux plus garder le poste à mon retour du fait du rythme intense.
C'est à l'Education Internationale que je reviens avec en responsabilité la gestion opérationnelle du programme des bourses internationales auprès de 300 étudiants venus de 33 pays de nos filiales non-ODCE.
Plongée dans les aspects internationaux et interculturels, c'est passionnant car je remobilise aussi la médiation, les événements, les partenariats avec les grandes écoles et je sais au fond de moi que je ne vais pas rester chez Total car je ne suis plus en phase avec mes valeurs.
C'est par cette expérience, que j’apprends et que je renoue avec ma passion de toujours : l’humain, le management de transformation, la résilience.
C'est le fameux rite initiatique du burn out dans un contexte tendu qui me fait poser les bonnes questions : je le prends comme une alerte.
Mon corps me cloue à terre . il me faudra 1 an pour guérir avec des séquelles cognitives et émotionnelles. Je n'ai pas le choix que de retrouver l'énergie du rebond et il faut que je me pose rapidement les bonnes questions.
C'est en me ré-alignant avec mes valeurs, en faisant le point sur mon Ikigaï (ma raison de me lever le matin) que je crée mon cabinet de coaching à l'issue de ma formation certifiante.
Comment es-tu arrivée dans le coaching ?
Par l'école MHD Formation, je me suis formée au coaching professionnel, à la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), à l’hypnose ericksonienne, ma formation initiale à la gestion des risques psycho-sociaux chez Total a été un plus, puis au design thinking et à différentes méthodes dont l’EMDR (une méthode de thérapie brève de gestion émotionnelle par la stimulation bilatérale alternée) toujours avec cette passion de l’humain et du système. Bien entendu, j'ai dû aussi me former par étape à la création et gestion d'entreprise.
Ma mission est de replacer l’Humain comme acteur de sa vie, comme acteur du système.
Et comme dans ce mouvement systémique, la transformation passe toujours d'abord par l'humain (quelque soit le sujet d'entrée : digital, managérial, méthodes de travail etc.) , nous travaillons bien entendu sur la culture au travail, l'activité de travail, les identités professionnelles et nous coachons/formons en ce sens les dirigeants d’entreprises.
Peux-tu expliquer simplement ce qu’est l’intelligence émotionnelle et en quoi l’appréhender peut nous faire évoluer sur le plan professionnel (entre autre) ?
Au sein du cabinet, nous partageons 4 convictions :
- L’humain, qui est au centre de la création de valeur et du lien
L’entreprise ne doit pas être un lieu de souffrance mais bien au contraire, un lieu d’apprentissage et de co-création qui doit être durable et pérenne.
- L'approche systémique : les cultures de métiers font collectif et sont un pilier dans les rouages de ce système
Lorsqu' un symptôme apparaît (management toxique, harcèlement, quiet quitting etc), cela appelle à interroger un système tout entier, et non pas juste mettre un pansement sur le symptôme. Le système a besoin d’une forme d’ouverture sur l’extérieur sinon il s’auto-alimente et se détériore progressivement mais profondément.
- L’importance du lien social
La coopération c’est un art puissant qui s'apprend : donner, recevoir et rendre et qui invite à l'altruisme.
Savoir travailler ensemble c'est la clef, avec les différentes identités, cultures, générations : savoir créer de la confiance au cœur du contrat social.
- Le management c’est un sacré métier agile qui s’apprend
Au cœur du management ce sont les hard skills (méthodes, process, cadre d'action) et les soft skills (compétences inter-personnelles) qui comptent. Les « soft skills » ça s’apprend, ça se muscle, comme en gymnastique. Dans nos convictions managériales, chacun a besoin de sécurisation psychologique pour le pousser à rester créatif.
Enfin, et pour revenir à l’intelligence émotionnelle : c’est le liant qui permet de réparer, de réconcilier, de communiquer avec efficacité. L’intelligence émotionnelle vient apaiser l’ego (issu de nos peurs, de nos blessures, nos croyances) ce qui, malheureusement, ne s'apprend pas à l’école.
C’est la conscience de soi : mes émotions doivent devenir des alliés et non des dictateurs. Apprendre à accueillir et à identifier ses émotions, les comprendre, les réguler, les utiliser.
Chaque émotion est porteuse d’un message, d’un besoin, et permet de gagner en clarté en discernement et de faire le lien avec les autres.
Quand je gagne en intelligence émotionnelle, alors je suis capable d’aller faire un pas vers moi puis vers l’autre. Ce qui permet de rentrer dans une dynamique de prévention des conflits, de pacification, de communication claire, de mobilisation, de créativité autour des différences.
Il faut sortir de la réaction pour trouver des réponses.
Cela permet de gagner en discernement : en énergie analytique, en sang froid dans les situations de crise. Il suffit d'observer les grands pilotes d’avion ou même dans le GIGN, ils sont formés en intelligence émotionnelle.
Notre société est beaucoup alimentée par la peur et la dopamine, ce qui sont de formidables outils de manipulation.
Développer son intelligence émotionnelle te permet de redevenir acteur, et responsable, de gagner en clarté, d’être ancré. C’est crucial.
Descartes s’est bien trompé comme le dit Damasio : tout communique constamment en nous, les émotions et la rationalité sont bien corrélées, pour simplifier, le système limbique a toujours le dessus sur le cortex.
Que fait ton cabinet, quelles sont tes missions ? Et pourquoi les entreprises / les individus font-ils appel à ton cabinet ?
Notre mission est d'aider les dirigeants et leurs équipes à accélérer des transformations humaines pérennes, pour gagner en performance et bien-être au travail . De la gestion de risques psychosociaux à la transformation de la culture de travail, des métiers, avec un esprit de simplification, de pacification et de coopération collective.
Les clients font appel à nous soit parce qu'ils désirent un changement d'ambiance/ de culture de travail soit parce que l'entreprise est en souffrance, soit parce que le dirigeant souhaite incarner un leadership exemplaire, soit sur ces trois niveaux en même temps, de manière concrète et sans "bullshit" ni powerpoint à gogo.
Nous avons aussi des particuliers qui nous sollicitent pour les aider à changer de vie professionnelle ou pour du coaching de performance (préparation au concours, gestion du stress etc.).
Notre spectre est large, nous avons déjà plus de 20 ans d'expérience. Nous sommes bien meilleurs sur le terrain auprès de l'humain, qu'en marketing, oui j'avoue !
Nous sommes 6 dont Sophie qui travaille sur la partie com / SEO / design, et 5 intervenants.
Marc, c’est le cador de la communication socratique ; son rôle c’est d'éveiller à la communication qui engage et responsabilise
Florian, l’as des méthodes agiles qui manage les incubateurs d’entreprises, réveille les équipes en mode projet.
Cécile, la pro des RH et des risques psycho-sociaux, qui apporte son expertise dans nos diagnostic sur la qualité de vie au travail.
Michiko fait s’exprimer les corps via la danse, les émotions pour travailler sur les postures de leader.
Nous sommes également engagés dans un partenariat avec la Ruche pour coacher des réfugiés entrepreneurs.
Le coaching, c’est une mise en mouvement : d’une situation présente dans une situation désirée. Car le statut quo génère des risques, des coûts, de la souffrance aussi. On accompagne les individus, les particuliers, les entreprises sur des questions de leadership, de management et de nouvelles manières de travailler : des gens qui recherchent leur raison d’être, leur chemin.
Notre approche est systémique pour accélérer les changements au travail de manière pérenne : elle englobe le coaching de leadership, le management et le « care » (réparation après un burn out, par exemple ou de violences dans les équipes). Jour après jour, nous co-construisons avec nos clients des méthodes et une atmosphère de travail plus fluide, coopérative et agile.
Notre approche est hybride mixant, la sociologie, les sciences humaines, les sciences des organisations, les neurosciences, la psychologie, et bien sûr, l’intelligence émotionnelle. On croise tous les niveaux. Tout est lié.
C’est pour ça que nous commençons toujours par des diagnostics dans les organisations. Les symptômes ne sont que des signaux des conditions de travail à réinventer.
Selon toi, en quoi les transformations numériques font-elles évoluer le monde du travail ? Et plus globalement, notre rapport aux autres et au monde ?
Selon mon prisme, car je ne suis pas experte du numérique, il y a au départ beaucoup d'avantages : gain de temps, de productivité, de qualité d'analyse, et ça met de côté des tâches chronophages grâce à l’automatisation (compta…) pour libérer du temps et se concentrer sur le coeur de travail.
De fait, les méthodes et les métiers évoluent.
Du coup, dans le monde du travail, le numérique fait évoluer et hybride les métiers à tous les niveaux. De nombreux métiers et fonctions ont été rendus davantage hybrides avec les évolutions digitales
Il y a plein de belles promesses dans cette transformation numérique, et à la fois beaucoup d’effets pervers à multiples inconnues : c'est pourquoi, il faut regarder ce qu’il se passe, avec éthique, pour y remédier.
Si on fait le parallèle avec l’IA : est-ce que l'objectif à termes est le remplacement de l’humain sur des métiers humain ou est-ce que cette intelligence va servir avec éthique, le progrès, avec toute la place de l'humain, c’est ça qui me pose question.
L’humain dans cette notion de lien social , de mise en perspective, d’enjeux de dimension émotionnelle ; est-ce que l’outil est au service de l’humain ou l’inverse ?
Avec un exemple très concret, n'y-a-t-il pas un risque de forme d’exclusion de certains profils comme les caissières par exemple : quand je salue la caissière en faisant mes courses, ce n’est pas juste faire mes courses c’est aussi un lieu de socialisation.
La technologie exacerbe l’exigence d’instantanéité du résultat.
On est dans une ère du taylorisme cognitif qui nous dépasse avec des injonctions contradictoires. Et cela laisse de moins en moins de place à l’erreur, comme au temps long.
Comment envisager la posture d’organisation apprenante au service d'une vision, qui nécessite un temps d’analyse et de recul sur son impact écologique par exemple, puisqu’il y a, en parallèle, cette course effrénée à l’instantanéité.
On assiste à une accélération continue où l’on n’a plus d’espace pour se poser les bonnes questions : à quoi ressemble la destination ? Où va-t-on "exactement en termes de société ?
Il y a un risque d'accentuation d' une casse morale, même psychologique, si il n'y a pas de réflexion éthique autour de ces outils, qui sont avant tout des outils.
Ce que j'entends, c'est qu'avec Chat GPT on parle déjà de remplacer des avocats, et ce type de réflexion m'exaspère. L'outil et sa puissance doivent bien être au service des métiers, de la recherche, de l'innovation. Pourquoi jouer ainsi avec la peur ? Pourquoi n'y-a-t-il pas une vraie réflexion collective sur ces sujets ? C'est même politique. Si la quête de valeur par ces outils n’est que liée aux intérêts" financiers et à la productivité (comme l'armement aussi) ; où allons-nous ? Si par contre, l'usage de ces outils est destiné au progrès écologique, social, de l'éducation, avec des gardes-fous éthiques, alors c'est différent.
Autre exemple, le management et le télétravail : comment crées-tu un lien, comment fidélises-tu en ne voyant jamais tes collègues ? La fonction manager ne cesse d'être bousculée, et devient de plus en plus complexe sans être d'ailleurs considérée comme un métier. Il y a vraiment besoin d'une réflexion de fond sur la place, l'usage et l'impact des outils dans les pratiques sociales.
Avec cette virtualisation où l’on se coupe de soi et des autres, et encore une fois, qu’est-ce que ça va générer sur du moyen et long termes ?
Quid des espaces de parole, de co-construction des espaces de travail du monde d’aujourd’hui et de demain ? Quelle est la vision ? Qui fait société aujourd'hui et qu'en est-il du futur des nouvelles générations ?
Est-ce que ce sont les gens qui créent les outils qui décident ?
Que penses-tu de la dernière évolution technologique en cours, le web3, dont la philosophie s’appuie notamment sur le libertarisme et l’affranchissement d’un tiers (ou décentralisation) ?
Cela rejoint ce que je viens de dire : quid des espaces de régulation et d’éthique ? La liberté s'arrête à partir du moment où l'on nuit à autrui n'est-ce pas ? Qui a intérêt à ce que le libertarisme et l'affranchissement se développe? C'est à double tranchant. Il y a autant d'aspect vertueux qu'une part d'ombre qui, non-régulée, peut générer l'effet inverse escompté (ce qu'on appelle un effet pervers). A qui profite le système ? L'enfer est aussi pavé de bonnes intentions.
Je me pose aussi ces questions par rapport à mes enfants. Dans quel monde vont-ils grandir, évoluer et dans quel monde ont-ils le désir d'évoluer ? Lorsque je questionne ma fille de 16 ans, elle ne cesse de me dire qu'elle veut bouger, sortir, voyager, être dans la vraie vie, qu'elle ne pourrait jamais être assise toute la journée derrière son bureau. Elle est dans un paradoxe car elle adorerait travailler dans les jeux vidéos mais ça rentre complètement en conflit avec ses vraies aspirations de vie : loin des écrans.
A ton avis, à quoi ressemblera le monde en 2030 ?
Justement je ne sais pas, j'aimerais savoir. J'aimerais entendre des leaders politiques porter de vraies visions. Lors de la semaine Paris Blockchain, je faisais pitcher les entreprises partenaires dans leurs stands ; lorsque je leur posais la question de leur "WHY", la réponse était : "mais parce que" c’est le futur. A la question "Mais le futur va ressembler à quoi ? Elle est où notre destination et notre planète d’arrivée ?" c'est un silence redoutable qui s'est installé.
Je souhaite tellement que toutes les forces vives de la planète s'attèlent à construire un futur en équilibre à tous les niveaux. La guerre, les pénuries (comme l'eau), les questions énergétiques, l'agriculture et le climat, les sujets sont suffisamment nombreux pour s'y atteler dans l'urgence.
As-tu des critiques vis-à-vis de l’impact du numérique dans nos vies ?
Ce sont plus des questions que des critiques qui me viennent à ce stade : quid du rapport au réel, au fantasme, à l’illusion ? Quid des rapports humains ? Quid de notre rapport à nos enfants ?
Qui va utiliser le metaverse par exemple ? Qu’est-ce qu’on en fait vraiment, et quel impact vertueux cela va générer ?
Et quel impact sur les cerveaux des enfants ? Plus globalement, quid de la vie en société ?
Il n’y a ni de vision, ni de stratégie, et les outils ne sont pas mis au service de la stratégie et de la vision. Tout est inversé.
As-tu un message à faire passer aux personnes qui nous lisent ?
Retrouvez un juste équilibre, sa nuance, ses usages ; sont-ils en phase avec des objectifs de développement durable ? Et l’impact de ces usages au regard de l’évolution de notre société ?
L’usage de la tech doit être au service de la stratégie et de la vision, pas l’inverse. Encore une fois, quelle est notre vision du futur? Quelle est notre destination ? Quel monde voulons-nous voir dans 10 ans ? Peut-on s’arrêter un moment et imaginer la société dans laquelle on veut vivre dans 10 ans ?
Une fois qu’on aura la destination, on pourra construire le chemin.
Remettons les choses à l’endroit.
J'aime ce film "Le garçon qui qui dompta le vent" de Chiwetel Ejiofor, : utilise les outils que tu trouves, innove à l’endroit où tu es avec les matières premières à disposition et pour des usages vertueux. Et si on pensait un peu plus low tech ? Je pense qu'on a besoin de nouveaux leaders de la trempe de William Kamkwanba.
On passe aux questions POP : quel est ton bouquin de chevet ?
Le cerveau du gamer de Célia Hodent, très instructif pour découvrir que les jeux vidéo se basent sur les neurosciences pour manipuler au mieux les utilisateurs.
Les producteurs des jeux vidéo savent capter nos cerveaux, et créer des systèmes d’accoutumance puissants.
Si les jeux vidéos étaient fait pour que tout s’éteigne automatiquement après x minute de consommation, avec des objectifs d'émancipation, d'éveil à la responsabilité ? Et si les jeux vidéos nous poussaient à être acteurs de nos vies, à vouloir se bouger dans l'action ce serait différent, non ?
Pourquoi on fait ça alors qu’on parle de RSE, de développement durable ? C’est comme ça qu’on capte l'attention de la jeunesse ?
Et je recommande, Smart simplicity d’Yves Morieux et Peter Tollman : 6 règles pour gérer la complexité sans devenir compliqué.
Ton ou tes Film(s) culte(s) ?
Brasil : à l’époque, je croyais que c’était de la science-fiction, en fait c’est de la prospective. Et les scènes sont mythiques.
Et Kill bill, pour le côté femme résiliente.
Ta ou tes série(s) crush ?
Outer Banks : ça réunit toute ma famille. Et bien sûr, celle qui m'a marquée : Games of throne.
Ta playlist ?
Super dur j'écoute une tonne de trucs en tant musicienne !